LES ENTREPRISES BELGES ONT UNE CARTE À JOUER À L’INTERNATIONAL

Source : https://trends.levif.be/

Fabrice Brion a démarré sa vie d’indépendant dans le grenier de sa grand-mère à Jemappes. Dix-sept ans plus tard, il est à la tête de I-care, une entreprise de plus de 4500 personnes réparties dans près de 15 pays, élue Entreprise de l’Année 2020. Spécialisée dans la maintenance prédictive des industries, I-care présente une croissance moyenne de… 35 % par an !

Rencontre avec cet entrepreneur créatif, agile et successful.

38 millions de chiffre d’affaires et une forte présence internationale, quelles ont été les clés de cette progression Fabrice ?

Il y en a trois et nous ne les avons peut-être pas faites dans le bon ordre (!) mais les voici :

• L’internationalisation

L’entreprise a démarré en septembre 2004 et dès 2007, nous avons pris des contacts pour ouvrir une filière en Italie, puis nous avons ouvert en France, en Allemagne,…

• La structuration

Dans une petite société qui grandit, tout passe toujours par le CEO. La taille d’une entreprise est à un moment limitée par les compétences de cette personne-là. Chez I-care, nous avons atteint la limite où je pouvais tout gérer aux environs d’une quinzaine de personnes. Nous avons donc mis en place une structure qui a permis de donner des leviers aux collaborateurs afin qu’ils puissent prendre des responsabilités et afin de pouvoir continuer à grandir. Pour moi, le plus dur pour passer de 0 à 500 personnes, c’est de passer de 10 à 20 personnes. Si on négocie bien ce virage-là, qu’on met bien en place la bonne structure, passer de 20 à 500 n’est pas beaucoup plus difficile.

• Les acquisitions

Depuis quatre ans, nous achetons d’autres entreprises complémentaires et concurrentes pour grandir organiquement. La croissance par acquisition a ceci de passionnant qu’elle permet à nos équipes d’apprendre à connaître une entreprise et de s’y intégrer, ce qui est un bien plus grand challenge que l’opération financière en tant que telle.

Quelle est la philosophie d’I-care ?

Nous essayons toujours de prendre le contre-pied en réfléchissant à la solution la plus simple et la plus innovante pour répondre aux challenges qui se posent. Nous travaillons en Lean – simplifier au maximum – et avec agilité – s’adapter au mieux aux circonstances afin que nos équipes aient un maximum de moyens pour atteindre leurs objectifs. Si on ne leur donne pas ces moyens, ce serait malhonnête de notre part. Pour les personnes qui ont besoin d’un cadre strict, notre mode de fonctionnement est plus compliqué; les 8% de rotation de personnel que nous avons sont de ces personnes-là.

Comment sélectionnez-vous vos collaborateurs ?

On n’apprend pas notre métier à l’école ! Trouver des gens formés était très difficile et débaucher ne correspond pas à nos valeurs. Nous avons donc décidé d’engager nos collaborateurs sur leur état d’esprit et pas sur leurs compétences techniques. Pour y parvenir, nous avons défini les valeurs de « l’I- care spirit » :

  • La performance: être au-dessus des attentes de ses collègues, de ses clients, des fournisseurs,…
  • La durabilité: pour nous, c’est être présent sur le marché sur le long terme. Car faire une performance de croissance de 25% sur 3 ans c’est facile mais la faire sur 17 ans, ça implique des choix et des investissements qui ne sont pas du tout les mêmes. Notre objectif n’est pas de vendre la société ni de l’intégrer dans un groupe international, c’est de continuer à la développer.

Comme en sport, la seule manière de faire de la performance sur le long terme, c’est de respecter l’humain: nous cherchons des gens qui sont respectueux et qui sont soucieux de ces 3 valeurs citées.

Comment appliquez-vous vos valeurs à chaque pays où vous êtes présent ?

Ces valeurs nous permettent, quels que soient le pays et la culture, de maintenir notre cap. De plus, nous mettons en place des équipes géographiquement mixtes afin de ne pas être trop influencés par la culture d’un pays.
Enfin, il faut garder l’esprit ouvert et se remettre en question. On ne peut pas imposer la manière de voir belge et européenne partout ailleurs. Il faut laisser cette latitude d’adaptation en faveur des clients, employés, du marché… et ne pas vouloir imposer sa vision mais préserver nos valeurs à travers chaque culture. Nous ne travaillerons par exemple jamais pour un fabricant d’armes, nulle part dans le monde.

Outre l’état d’esprit, sur quels autres critères recrutez-vous ?

Dans la plupart des entreprises, on essaie de créer un job pour un talent plutôt que l’inverse. Beaucoup d’entreprises cherchent un profil durant 6 mois pour un poste… pour moi c’est que l’entreprise cherche un mouton à 5 pattes! Chez I-care, quand nous rencontrons des gens qui sont dans l’esprit de notre entreprise, nous regardons quelles sont leurs capacités, ce qu’ils veulent et aiment faire. Ensuite, nous analysons dans les jobs ouverts quelles sont les tâches dont nous avons besoin et nous créons une fonction sur mesure qui intègre une partie de ces tâches-là.

Comment formez-vous vos employés ?

Nous avons mis en place l’I-care Academy qui propose des formations techniques et aussi des formations sur l’agilité et autres notions utiles pour le travail de nos collaborateurs.

Comment structurez-vous l’entreprise ?

Je dis souvent pour rire que les pyramides étaient les tombeaux des pharaons et que les structures pyramidales sont les tombeaux de la croissance ! Lors d’une acquisition, vous avez une pyramide dans la société achetée et une pyramide dans la société qui a acheté. Et souvent ces pyramides sont différentes et pourtant il faut essayer de les intégrer. Mais il y a toujours des doublons : cela engendre souvent des licenciements et des frustrations.

J’ai vécu ce problème chez mon premier employeur – c’est pourquoi je l’ai quitté.
Quand on grandit, il faut une structure cellulaire et pas de type pyramidal.

Une organisation organique ou cellulaire est très appréciable pour faire face à la croissance et pour intégrer les acquisitions car en cas de doublons, il y a toujours la possibilité de faire un job description pour garder le talent et créer une cellule sur mesure.

Et au niveau du Management ?

Je caricature un peu mais personne n’a de N+1 ici, tout le monde a un N+1/3! Souvent, un manager doit avoir des compétences financières, techniques, humaines. Je pense que personne aujourd’hui ne peut avoir ces 3 compétences à des niveaux d’excellence. Nous avons donc divisé la responsabilité classique du manager en trois positions à des niveaux égaux :

  • Le team leader s’occupe de la responsabilité humaine: recrutement, formation initiale, évaluations, formation continue…
  • Les directeurs, qui s’occupent de la partie technique sur des projets précis
  • Les officers, qui s’occupent des finances sur des projets précis

Chaque employé, en fonction du projet sur lequel il travaille, a un directeur et un officer propres à ce projet. Et le fil conducteur est le team leader.

Est-ce facile à mettre en place ?

Sur une feuille, ce type d’organigramme peut sembler complexe mais cette structure cellulaire permet à chaque employé de savoir à qui s’adresser et pourquoi et d’avoir un contact direct. Cela réduit aussi les frustrations : nous avons un taux de rétention de 92 % avec quasi exclusivement des ingénieurs qui ont plus de 5 années d’études, et nous en sommes fiers. Et c’est le même type de structure partout dans le monde.

Comment gardez-vous le lien entre vos employés en télétravail ?

Nous avons mis en place une série d’initiatives pour garder le contact: le dernier vendredi du mois, une communication digitale interne est envoyée à tout le personnel. Depuis janvier 2021, nous avons un I-care daily flash news : une capsule de 3 minutes «style JT» à 20h30 où nous laissons le plus de place possible aux news des collaborateurs: c’est l’équivalent de la machine à café! Les gens adhèrent et regardent parce que ces news maintiennent le lien entre les collègues aux quatre coins du monde. On y parle de tout, dernier contrat signé ou dernier nouveau né !

Avec 11 filiales actives dans votre structure, comment communiquez-vous commercialement ?

Très facilement! Dans le monde d’avant, les clients demandaient des rendez-vous en présentiel et c’était difficile de consacrer du temps à chacun même si j’adore voyager ! Aujourd’hui, grâce aux outils digitaux

je peux aussi bien fixer un rendez-vous en Italie et 2 heures après en Allemagne ou aux États-Unis. Évidemment, dans ces cas-là il, y a déjà un prérequis physique, ce sont des clients existants que j’ai déjà rencontrés auparavant et on se comprend à distance. Il faudra voir ensuite comment cela se passera avec de nouveaux clients, ce sera peut-être plus complexe ou pas, nous verrons.

Encore des projets ?

Oui, toujours! Il y a des pays stratégiques dans lesquels nous voulons mieux nous installer, comme la Grande-Bretagne où nous sommes présents depuis septembre. Le déploiement aux États-Unis impliquera le développement de bureaux dans différents États et du recrutement. Nous lançons prochainement une filiale au Canada et nous espérons nous développer au Brésil fin 2022 mais cela dépendra de l’évolution sanitaire.

Comment percevez-vous la position des entreprises belges au niveau mondial ?

Chez I-care, notre premier secteur d’activités est le pharmaceutique, on travaille dans toutes les usines de vaccins en Europe et aux États-Unis. Je pense que le savoir-faire belge, qui choisit une niche, a toutes ses chances de très bien se positionner au niveau international. En ce qui concerne I-care, nous voulons faire partie des « GAFA » de la maintenance prédictive. Quelles sont selon vous les 4 clés importantes d’acquisition à l’international ?

  • Veiller à ne pas avoir de superposition en termes de clientèle. Racheter une entreprise qui sert les mêmes clients est une perte de valeur. Il vaut mieux avoir une diversité, élargir sa cible.
  • Faire attention à l’intégration technologique : voir avec quelle facilité nous pouvons intégrer la technologie utilisée par la société qu’on acquiert à notre propre technologie, et voir à quelle vitesse nous pouvons déployer notre technologie auprès des clients de la société acquise.
  • L’état d’esprit : si c’est une entreprise à hiérarchie fortement pyramidale, ce sera très compliqué de les intégrer car beaucoup de gens quitteront la structure car ils ne s’y retrouveront plus.

Un point que nous avons négligé dans notre première acquisition, c’est avoir dès le part une vision commune et très claire de ce que fera l’ancien top management. Il y a des entreprises que l’on acquiert parce que le fondateur prendra sa retraite après une période de transition. Si tel n’est pas le cas, c’est important de définir comment on verra le rôle du top management dans l’avenir et dans la durée.

Les entreprises que nous acquérons ont généralement un taux de croissance de moins de 10%, voire parfois nul. Nous atteignons en moyenne 25% après la première année complète d’intégration.

Comment ?

On réunit d’abord des employés des 2 sociétés dans des groupes de travail sur différents sujets et ils travaillent ensemble à une intégration des processus respectifs. Cela prend du temps mais une fois que les décisions sont prises en intelligence collective, sur 3 à 6 mois, les personnes ont appris à se connaître et l’intégration technique est très rapide car il n’y a plus de discussions. L’important est que ce scan de départ soit réalisé par les équipes des 2 sociétés. Cela demande beaucoup de patience mais le résultat parle de lui-même.

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